« L’affrontement avec la mort peut être très pénible, et on peut être tenté de l’éviter et de fuir la confrontation. Mais si vous avez le courage de l’assumer quand elle se présentera dans votre vie, de l’accepter comme une partie importante et valable de la vie, alors vous croîtrez, que vous affrontiez votre propre mort, celle de quelqu’un qui est confié à vos soins ou celle d’un être cher. » p.158

« La mort est la dernière étape de la croissance en cette vie. Il n’y a pas de mort finale. Seul le corps meurt. Le soi ou l’esprit, peut importe comment on l’appelle, est éternel. A chacun sa façon d’interpréter cela. » p.215
Extraits de “La mort, dernière étape de la croissance” Elisabeth Kübler Ross, Edition Du Rocher, 1985.

Notre ami Jean qui lit énormément, a choisi cette fois pour thème, de vous relater la vie d’Elisabeth Kübler Ross, cette magnifique personne, médecin au cœur grand mais humble.
Elle est bien connue par tous les écrits qu’elle nous a donnés et qui traitent de la vie après la vie, qui est un « nouveau soleil » ou des moments avant ce départ, ainsi que des approches de maladies psychiatriques, abordées par des méthodes personnelles.

Elisabeth Kübler Ross

Extraits et résumé du livre de Susanne Shaup « Elisabeth Kübler-Ross, toute une vie pour une belle mort » éditions Le Courrier du Livre – Paris 1997.

Elisabeth Kübler-Ross nait à Zurich (Suisse), le 08.07.1926. Son père Ernst Kübler est commerçant. Sa mère Emma tient la maison familiale.
La famille vit à Meilen, un village près de Zurich, endroit paisible, entouré de prés et de champs, près de la forêt et de la montagne couronnée de neige. Elle caractérise son enfance de « protégée ».
Madame Kübler est une femme affectueuse et généreuse. Le père est un patriarche dont chaque parole est un ordre.

Très vite Elisabeth est autonome, voir rebelle.
Encore enfant, elle a déjà le sens du secours, de l’aide à porter.
La jeune fille a des rapports critiques avec l’Eglise. Elle se rebelle contre le prêtre chargé du cours de religion.

Eté 42, à 16 ans, elle doit décider de sa carrière professionnelle. Depuis l’enfance, elle émet le souhait de devenir médecin. Son père ne veut rien entendre.
Elle travaillera dans son magasin. Les heurts entre le père et la fille sont violents. Elle quitte la maison pour une place de bonne.
Exploitée et humiliée, elle s’enfuit.

Elisabeth sollicite un poste d’apprentie dans un laboratoire.
Elle passe son bac et gagne de l’argent pour financer ses études de médecine.
A 17 ans, elle est au service de dermatologie de l’hôpital du canton.
Elle écoute les patients, leur vie, l’histoire de leurs souffrances. Elle apprend que sans composante humaine, l’essentiel manque au traitement médical.
Déjà, elle est attirée par les enfants hospitalisés.

Juin 1944, un flot de réfugiés arrive en Suisse. Elle organise tout, soins, nourriture, vêtements…
Puis, elle est blessée suite à une explosion de gaz. Si elle a pu protéger ses yeux, ses mains sont gravement brûlées. Diagnostic : elle ne pourra plus jamais s’en servir normalement.
Elle refuse ce verdict. Grâce à sa volonté opiniâtre, elle réussit.

Janvier 1945, Elisabeth adhère au Service International pour la Paix.
8 mai 1945, ce service lui demande d’aider à la reconstruction du village d’Ecurcey, en France.
Elle apprend que l’on se sert de prisonniers de guerre allemands comme détecteurs de mines vivants. Elle s’emploie à faire cesser cette pratique inhumaine.

Elle rentre à Zurich et termine sa formation de laborantine.
En 1946, elle travaille à la clinique ophtalmologique de l’université de Zurich.
Elle apprend l’art difficile de communiquer une mauvaise nouvelle tout en participant humainement à son malheur.

Le Service pour la Paix l’envoie en Belgique, dans un village de mineurs, près de Mons. Elisabeth y trouve une misère indescriptible.

En 1947, elle arrive en Pologne.
Reconstruction du village de Lucima, à la frontière russe.
Il n’y a pas de médicament, pas de médecin mais la population a confiance en leur « doctoresse ». Elle fera l’expérience que la foi peut faire des miracles.

Elle visite le camp de concentration de Majdanek. Elle est bouleversée mais découvre des papillons dessinés dans le bois des murs en planches qui constituent les baraquements.
Ces dessins lui font écrire : « Durant les derniers jours, peut-être les dernières heures qui précèdent leur mort dans les chambres à gaz, ces hommes, ces femmes et enfants, que la mort attendait, avaient laissé un dernier message – ce n’était pas un message de désespoir, mais d’espoir, pas un message de douleur, mais de promesse de liberté. » (Derek Gill, E.Kübler-Ross, Wie sie wurde, wer sie ist, p.158).
Les papillons deviennent un leitmotiv dans sa vie.
Ils représentent le symbole de l’âme affranchie qui se débarrasse du cocon, de sa dépouille mortelle et déploient leurs ailes dans une nouvelle existence.

De retour en Suisse, elle termine ses études de médecine.
Elle a 31 ans. C’est à cette époque qu’elle fait ses premières expériences directes avec des mourants.

Elle épouse son camarade d’études américain, Emanuel Ross et le suit en Amérique.
Elisabeth et Emanuel Ross, trouvent tous deux, un poste près de New York.
Tous deux ont la réputation d’avoir une compétence exceptionnelle. Elle préfère les urgences, soigner les blessés graves en état de choc.
Elle fait de nombreuses expériences.
Comment un patient sait-il qu’un autre membre de sa famille est mort dans le même accident, sans que personne ne le lui ait dit ?

Elle est enceinte et perd son poste. Elisabeth demande un poste de médecin dans un service de psychiatrie.
Entre temps, elle fait une fausse couche.

Le docteur Kübler travaille alors dans un service pour femmes dont certaines sont traitées avec des drogues expérimentales. Il s’agit entre autres du LSD et autres hallucinogènes.
Ces traitements leurs sont administrés sans leur consentement. Elle y découvre la honte et l’inhumain. Des femmes gisant dans leur urine, d’autres à moitié vêtues ou nues, une odeur intenable d’urine…l’horreur.

Elle va bouleverser l’ordre établi dans l’hôpital. Elle refuse les électrochocs ainsi que les hallucinogènes. Aidée par quelques collègues, le docteur Kübler va établir des critères humains.
Elle va témoigner de l’intérêt aux patients. Le succès ne tarde pas et on reconnait même des guérisons.

Elisabeth part travailler dans le Bronx, dans une clinique psychiatrique pour enfants atteints d’aliénation mentale.
Elle fonde sa thérapie sur l’intuition et l’intérêt personnel du patient. Elle prend conscience que les gens refoulent le sujet de la mort. Un sujet tabou. Les médecins acceptent encore moins le sujet.

Son père, en fin de vie, va être accompagné par sa fille. Lui, auparavant têtu, autoritaire, est devenu un être pensif, plein d’humour et tolérant. Il ne porte plus de jugement sur les autres.

Sa formation terminée, la voici donc psychiatre.

Elisabeth va se découvrir un nouveau domaine lors d’un voyage à Denver, dans le Colorado. Elle traverse l’Arizona. Dans la Monument Valley, elle fait une expérience remarquable.
Elle reconnait le lieu. Par deux fois, elle avait vu ce paysage en rêve. Elle s’était vue en indienne montant un cheval. Elle a l’impression d’avoir vécu en ce lieu.
La traversée du vieux territoire des Indiens fait de sa vie une mystérieuse existence située à un niveau supérieur.
Elle écrit : “Je sais très peu sur la philosophie de la réincarnation. J’ai toujours mis cette idée en relation avec des gens bizarres qui discutent de leur vie antérieure dans une pièce remplie d’encens. J’ai été élevée autrement. Je me sens chez moi dans mon laboratoire. Mais je sais qu’il y a des mystères de l’esprit et de l’âme qui ne peuvent être sondés ni avec des microscopes ni avec des réactions chimiques. Un jour, j’en saurai plus. Un jour je comprendrai des choses.” (Derek Gill-E.Kübler-Ross, p.286).

Elle va faire sous hypnose un voyage dans le temps. Elle se voit en indienne vivant dans le sud-ouest et mourant d’une mort violente.

Dans la clinique qui l’occupe elle est en conflit avec son médecin supérieur, elle trouvera refuge dans le service de psychiatrie pour enfants.

—-Fin de la 1ère partie—-

Décriée par les uns, écoutée et admirée par les autres, le docteur Kübler prendra comme un cadeau, une motivation, toutes les attaques ou tous les encouragements qui lui sont adressés. Elle sait qu’elle est sur la bonne voie.

Par la publication de ses constatations, des récits et témoignages de ses relations avec des patients en phase terminale, avec des gens ayant fait une EMI, elle se place comme « La » pionnière de l’approche des soins palliatifs pour les personnes en fin de vie.
Elle enseigne et écrit pendant une 20aine d’années au Etats-Unis avant que l’Europe ne daigne la découvrir.
Son 1er ouvrage est édité en 1969, « Les derniers instants de la vie » (1).

Enfin reconnue par ses pairs, elle sera élevée au rang de docteur honoris causa de plusieurs universités dans le monde. Elle fait, de ce fait, autorité en matière de thanatologie (2).

Elle a compris et témoigne que les personnes au seuil du passage vers l’Au-delà « n’hallucinent » pas. Ils voient des proches décédés, des amis, des Etres de Lumière, venir les chercher.
Lors de leur sortie de corps, des aveugles recouvrent la vue, des muets parlent, des paralysés marchent. Des enfants témoignent : en cours de chimio, ils se voient avec une magnifique chevelure et en bonne santé.

Elle démontre la « continuité » de la vie. La vie après la vie.
Ses expériences permettent de confirmer que la mort de l’âme n’existe pas. Seul le corps physique meurt.
« La mort n’est qu’un passage à un autre état de conscience dans lequel on continue à sentir, à voir, à entendre, à comprendre, à rire, et où l’âme et l’esprit peuvent continuer à grandir. » (3)

Le docteur Kübler-Ross va dénoncer ce que Suzanne Shaup appelle « Le complot du silence ».
« Je suis convaincue que nous faisons plus de mal en esquivant le sujet (la mort) qu’en prenant du temps, en choisissant le moment, en nous asseyant, en écoutant, en participant. » (4)

Elle lance le débat au début des années 60, dans ses exposés de cours sur la psychiatrie à de futurs médecins. Ce n’est pas gagné car un mourant représente un échec face à l’art de guérir.
Elle enseigne que l’hypocrisie sert à refouler la vérité à un patient face à la mort.
On constate que la peur, même chez le médecin, amène cette attitude. Alors, elle va plus loin : « … le meilleur moyen d’étudier la mort et son approche est de demander à des malades en fin de vie d’être nos maîtres. » (5)
Elle va créer des séminaires sur la mort et les mourants.
Elisabeth Kübler-Ross découvre avec ses élèves que le fait de parler de la mort, soulage profondément le malade.

Elle apprend que les mourants passent par des phases où selon leur état et leurs besoins ceux-ci diffèrent.
Elisabeth Kübler-Ross distingue cinq phases d’agonie.

1ère phase : le patient nie le diagnostic posé. « Pas moi ! », « Ce n’est pas possible, je ne veux pas en entendre parler. ». Le patient se soustrait à la réalité. Il ne peut pas la supporter.

2ème phase : le patient prend conscience de la vérité mais ne peut l’accepter. Il s’énerve. Il est en colère. Il est difficile, hostile, inaccessible. « Pourquoi moi ? ».

3ème phase : il essaie de négocier une prolongation de vie. Il demande un sursis. Il reconnait qu’il est concerné. Certains expriment le souhait de se réconcilier.

4ème phase : stade de la dépression. Il est dans le regret de certaines choses ou événements passés. Il est dans un chagrin et un deuil préparatoire. Il est angoissé et triste. Il demande la présence d’une personne aimée.

5ème phase : il commence à se détacher de la vie. Il prend congé et s’apprête à faire le passage dans l’autre monde.

« Etre le thérapeute d’un malade mourant nous fait prendre conscience du caractère unique de chaque individu dans le vaste océan de l’humanité. » (6)

Ce caractère d’être unique lui fait écrire : « …Il semble que ceux qui ont vécu une vie de souffrances, de travail épuisant, de peines, qui ont élevé leurs enfants et ont eu des satisfactions dans leur travail, montrent plus de facilité à accepter la mort paisiblement et dignement que ceux qui ont dominé ambitieusement leur entourage, accumulé des biens matériels, entretenu un grand nombre de relations sociales, mais moins de relations personnelles, si nécessaire à la fin d’une vie. » (7)

Suite à un article et des photos parues dans le magazine « Life », elle sera boycottée par le corps médical mais un afflux massif de courrier va changer la donne. Elle est connue mondialement et invitée dans le monde entier.

Elle écrit que c’est de ses patients qu’elle a tout appris.
« Dans leur souffrance et leur mort, ils comprenaient que nous n’avons que MAINTENANT. Alors vivez à fond et trouvez ce qui vous allume, car personne ne le fera pour vous. », « Nous avons ainsi désappris l’art de mourir, l’Ars moriendi. La mort est devenue une catastrophe sans issue. Elle est un scandale, l’antithèse de tout ce qui représente le progrès. » (9)

Comme le chante si bien Aznavour dans « La Mama », avant on mourait chez soi, entouré des siens. Aujourd’hui, on meurt en reclus, seul, abandonné. Souvent loin de chez soi.

Si nous revenons aux enfants, le docteur Kübler-Ross note que ceux-ci, victimes de crimes ou suicidés, avaient pressenti l’évènement de manière stupéfiante. Les enfants malades semblent aussi savoir qu’ils vont mourir. Ils le traduisent par des dessins. Elle retrouve là le papillon du camp de Majdanek. Les enfants comprennent mieux la mort que ne le croient les adultes.
Ce qui est très étonnant, c’est le réalisme dans lequel ils vivent, ils se font moins d’illusions que les adultes quant à leur état.

« La mort a toujours été là, elle y restera toujours. Elle fait partie intégrante de l’existence humaine. C’est pourquoi elle a toujours été pour chacun de nous un profond sujet d’inquiétude. Depuis l’aurore de l’humanité, l’esprit humain scrute la mort, cherchant la réponse à ses mystères. Car la clef de la question de la mort ouvre la porte de la vie. » (10)

 

Je terminerai le résumé de l’ouvrage de Susan Schaup, où l’on parle essentiellement de l’accompagnement des mourants, par le témoignage d’une expérience exceptionnelle vécue par Elisabeth Kübler-Ross.

Il s’agit, en fait, de la rencontre entre le docteur et une dame décédée qu’elle avait accompagné peu de temps auparavant. Vous trouverez ce récit dans son livre : « La mort est un nouveau soleil – éditions du Rocher – 1988 – p.68 et suiv. ».

Elisabeth est en colère. Son séminaire sur le mourir et la mort risque de ne plus avoir lieu.
Elle y travaille avec un nouveau pasteur qui ne recherche que le sensationnel. Cela ne lui plait guère. Elle est fermement décidée à ne plus y participer, elle veut donner sa démission à l’université.
Après une séance, elle décide d’en référer au pasteur.

Au moment où l’occasion se présente, une femme lui apparait. Là son esprit se trouble, elle connait cette personne mais est incapable de lui donner un nom.
Comme le but de son intervention auprès du pasteur échoue, par la présence de cette dame, ce dernier s’en va.
La femme lui dit : « Dr. Ross, je devais revenir. Puis-je vous accompagner dans votre bureau ? Je n’abuserai pas de votre temps. » Et la femme l’accompagne.

Psychiatre, elle a l’habitude que des malades schizophrènes lui font part de leurs hallucinations visuelles. Mais pour elle-même, elle se dit que ce n’est pas possible et se dit alors, qu’il faut qu’elle touche cette femme pour savoir si elle existe vraiment. Elle sent sa peau.
Sa réflexion est : « Ce ne peut être Mme Schwartz, elle a été enterrée il y a 10 mois. »
Arrivée à son bureau, c’est la dame qui ouvre la porte.
« Dr. Ross, je devais revenir pour 2 raisons, la 1ère c’est que je voulais vous dire merci, à vous et au Paster G. pour tout ce que vous avez fait pour moi. Mais la vraie raison, est pour vous dire que vous ne devez pas abandonner ce travail sur le mourir et la mort, tout au moins pas encore. »
Elisabeth va à son bureau et touche tous les objets qu’elle connait pour voir s’ils sont réels. Tout est concret.
La femme insiste : « Dr. Ross, vous m’entendez ? Votre travail n’est pas encore terminé. Nous vous aiderons. Vous saurez quand vous pourrez l’arrêter. Mais je vous en prie, ne l’arrêtez pas maintenant. Vous me le promettez ? Votre travail ne fait que commencer. »
Le Dr. Ross pense : « …personne ne me croirait… »

Une idée lui vient, elle demande à la dame d’écrire un mot au Pasteur G. Elle lui tend un papier et un crayon. Elle se dit que ce serait une preuve scientifique, car il est évident qu’une personne enterrée ne peut plus écrire.
La femme lui fait un sourire plein d’amour. Elle lit ses pensées et se met à écrire. Toujours en souriant elle lui dit : « Vous êtes contente maintenant ? »
Puis, se préparant à partir, elle répéta : « Dr. Ross, vous me le promettez, n’est-ce pas ? »
Le Dr. Ross répondit : « Oui, je le promets. » Et à cet instant la femme disparut. Le manuscrit existe toujours.

Un an et demi après, on l’informa que son travail était terminé, c’était une épreuve pour vérifier si elle était capable de s’imposer malgré les difficultés, la diffamation, la résistance et bien d’autres choses.
La 2ème épreuve consistait à voir si la gloire ne lui montait pas à la tête, ce qui ne fut pas le cas.

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(1) Editions Labor et Fides, Genève 1975.
(2) Thanatologie : Etude des signes, des conditions, des causes et de la nature de la mort.
(3) La mort est un nouveau soleil – E.Kübler-Ross – éditions du Rocher – 1988
(4) Les derniers instants de la vie, p. 149
(5) Id. p. 29 – 30
(6) Id. p. 278
(7) Id. p. 266 – 268
(8) La mort, dernière étape de la croissance, p. 29
(9) E. K-R, toute une vie pour une belle mort, p.75
(10) La mort, dernière étape de la croissance, p.31

Jean,