« Tu as dit pardon ? »

C’est l’une des premières phrases dont je me souvienne ; mon père était très pointilleux sur cette partie de l’éducation !

Alors d’un air penaud, je disais, sans vraiment bien en comprendre le sens, – je devais avoir deux ou trois ans-, « Padon Madame » ! J’avais encore du mal à prononcer les R ! J’avais probablement oublié de dire « bonjour » à une invitée ou légèrement bousculé une dame en jouant.

Ce dont je me souviens, c’était le regard ému de mon père quand je prononçais cette phrase magique, et les yeux étonnés et rieurs de la personne qui avait reçu le pardon, devant la tête basse de ce petit bout de femme !

Ce mot a commencé à prendre un sens quand j’ai grandi un peu ; je l’ai prononcé de ma propre initiative après avoir « répondu » à ma grand-mère, comme on disait à cette époque. Elle m’avait prise sur ses genoux et m’avait dit en italien, sa langue d’origine, « je te pardonne ma chérie » ; c’était à mon tour de découvrir la magie de ce mot, qui soulageait ma petite conscience, mais qui me prouvait aussi que la personne qui pardonnait était forcément une personne qui aimait.

J’ai plus tard pardonné à un petit copain de m’avoir quittée pour une autre, puis à un employeur de s’être passé de mes services sans motif.

Le « hasard » a voulu que je rencontre ce petit copain et cet employeur des années plus tard ; j’ai été étonnée de constater que j’avais laissé d’aussi bons souvenirs à l’un comme à l’autre : le fameux mot magique avait fonctionné !

J’ai ensuite pardonné à la vie de m’imposer ses épreuves, et j’en ressors grandie.

Aujourd’hui la boucle est bouclée quand je parle à mon père en regardant le Ciel et que je lui dis « Pardon papa de ne pas avoir mesuré l’amour que tu me portais ».

Je sais que de son paradis il me pardonne, je sens qu’il est heureux et je suis heureuse aussi.

J’ai donc choisi de vous faire partager ce texte, j’espère qu’il vous interpellera.

L’absence de pardon se retourne souvent contre soi ; ne soyez pas trop fiers, ne soyez pas honteux, accordez plus facilement le pardon, il n’est jamais trop tard pour le faire.

Bonne lecture !

Gisèle

Le pardon,

« Quel sentiment plus beau, plus intime que le pardon ?

Ce sentiment, qui allège notre cœur et notre âme, dès que nous l’avons accordé à quelqu’un.

Ce quelqu’un pourrait être nous-mêmes, et peut-être aurons-nous besoin de ce pardon un jour.

Quel soulagement de pouvoir dire à la personne que l’on aime que l’on regrette telle ou telle attitude, telle ou telle parole, tel ou tel acte !

Aussitôt que les mots sont prononcés et qu’ils sont reçus avec bienveillance et sincérité par la personne offensée, le poids se fait de moins en moins lourd sur notre cœur, et les larmes coulent sur nos joues avec une facilité incroyable. Tout ce que nous gardions sur le cœur ou sur la conscience est enfin divulgué, avoué ; tout ce qui était un fardeau pour soi devient alors un cadeau pour l’autre.

Ce soulagement est immédiat et durable. Ces mots prononcés, souvent quand la souffrance s’installe, qu’elle soit physique ou morale, sont comme une libération, attendue par l’offenseur comme par l’offensé.

Malheur à celui qui ne sait pas recueillir le mea culpa sincère et ému, car son inaptitude à pardonner lui pèsera longtemps, très longtemps sur la conscience.

Pardonner, c’est reconnaître la faiblesse de chacun d’entre nous.

Pardonner, c’est accepter d’être charitable envers son prochain.

Pardonner, c’est aimer dans toute sa profondeur et faire abstraction de son orgueil et de sa fierté.

Pardonner, enfin, c’est la plus belle preuve d’amour que l’on puisse apporter à celui qui souffre et qui a besoin de se libérer des chaines de la culpabilité avant de partir.

Il suffit de repenser, même des années plus tard, à ces paroles dites en tête-à-tête, les yeux dans les yeux, dans le secret, dans un moment de pur échange spirituel, pour que l’émotion soit toujours aussi vive. Il ne s’agit pas de tristesse, mais d’une émotion intense qui remplit tout notre être et fait encore grandir cet amour, par-delà la mort du corps physique.

Sans le pardon, celui qui s’en va a du mal à avancer et porte le poids de la culpabilité de nombreuses années, cherchant un peu de compassion au-delà de la tombe, mais la plaie reste profonde.

Sans le pardon, celui qui reste regrette de ne pas avoir prononcé les mots tant attendus et c’est une cause de tourment perpétuel.

Il n’est jamais trop tard pour pardonner.

Le pardon peut s’accorder à tout moment, par une prière, par une pensée dirigée vers le malheureux qui reste suspendu à nos lèvres, par un élan d’amour et de générosité, car sans pardon il n’y a pas de repos pour l’esprit.

Il suffit d’un mot, d’un regard, d’une larme pour réconcilier deux cimes. »

LE PARDON DE KERGOAT – Jules Breton – Extrait 1891
Source : Bulletin de l’Association du Centre spirite AK, N° 58